Pour quel résultat ? Depuis la première édition, organisée en 2018, 122 projets d’investissements étrangers ont été annoncés lors des sommets Choose France, pour un cumul de 31,9 milliards d’euros d’investissements. Six ans après, les ouvertures de nouvelles usines ne sont pas si nombreuses. Même si l’Elysée met l’accent sur sa volonté d’attirer de nouveaux profils d’investisseurs sans implantation en France – ils représentent 30% des invités -, l’essentiel des annonces concerne des extensions de sites déjà existants. C’est dans ce cadre que s’inscrivent par exemple les annonces de Mars, qui a augmenté les capacités de plusieurs de ses sites agroalimentaires et d’alimentation animale, et le milliard d’euros d’investissement annoncé par le laboratoire pharmaceutique Pfizer lors de l’édition 2023.
Peu de projets abandonnés
Au final, 27 projets concernent exclusivement l’implantation de nouveaux sites industriels ou centres de R&D, selon les décomptes de L’Usine Nouvelle. Une proportion pas étonnante en soi : elle reflète la part majoritaire des réinvestissements de groupes déjà implantés en France dans les investissements directs étrangers, une spécificité française comparée à nos voisins allemands et britanniques soulignée de façon récurrente par le baromètre de l’attractivité d’EY.
Les abandons sont rares. En 2018, le groupe américain Del Monte avait annoncé l’installation d’une usine de découpes de fruit frais dans la Somme. Il a finalement abandonné le projet, le groupe changeant de stratégie. «Le compromis de vente du terrain avait été signé, les fouilles effectuées, la voirie prévue», regrette la communauté d’agglomération du sud Somme, qui espère désormais l’arrivée d’un projet hydrogène. En Normandie, la communauté d’agglomération du Mont Saint-Michel n’a plus, non plus, de nouvelle depuis plusieurs années du groupe coréen SPC qui ambitionnait d’y produire des viennoiseries.
Des projets industriels en bonne voie
Une partie des projets annoncés sont à l’inverse déjà opérationnels. C’est vrai en particulier de ceux dans le secteur numérique : Google a inauguré en février, en présence de son PDG Sundar Pichai, son centre de recherche parisien sur l’intelligence artificielle, Snap a son studio de réalité augmentée au sein de Station F, annoncé lors de l’édition 2021. Le centre d’expertise d’Accenture à Brest compte déjà plus d’une centaine de salariés sur les 500 promis au final.
Certains ont évolué à la marge, comme celui du fabricant de modem turc Airties, dans les télécoms, qui annonçait en 2018 la création de deux centres d’innovation à Paris et à Rennes. Depuis l’été 2023, le groupe a finalement déménagé son siège social mondial d’Istanbul à Paris. Selon son service de presse, il y emploie des ingénieurs, mais ne parle plus d’antenne à Rennes.
D’autres investissements sont en bonne voie. Le spécialiste du e-commerce Zalando a pris possession en début d’année de sa plateforme logistique XXL de près de 140 000 m2 en Seine-et-Marne à Montereau-sur-le-Jard, qui devrait employer comme prévu 2000 salariés à terme. A Chalon-sur-Saône, le bâtiment de la future usine de viennoiserie du groupe espagnol Vicky foods doit être livré en juin, ce qui devrait lui permettre de démarrer sa production début 2025, dans le calendrier prévu. Déjà implanté dans la Somme, le groupe coréen SIAS qui a repris un ancien site de découpe de saumon Delpierre en Alsace, continue à avancer sur son projet d’y fabriquer des produits coréens et prévoit toujours d’y créer 70 emplois à terme.
Pure Salmon en retard
Depuis mars, les travaux de construction du site de production de dalles de plafond – un projet à 100 millions d’euros d’investissement – du fabricant allemand Knauf ont démarré à Illange (Moselle), juste à côté de l’usine de laine de roche déjà exploitée par le groupe.
La deuxième usine française de l’entreprise allemande Vorwerk, promise lors du sommet Choose France de 2022 est aussi en train de voir le jour dans une zone industrielle proche de Châteaudun. Son premier site de Cloyes-sur-le-Loir, à une dizaine de kilomètres, inonde déjà l’Europe de ses Thermomix. Le gros œuvre du site de 14 000 m2 est achevé depuis septembre 2023. Le planning originel, qui envisageait un démarrage fin 2024, a un peu dérapé. Mais l’entreprise promet désormais que cet investissement de 57 millions d’euros sera opérationnel mi-2025.
L’implantation de la giga-ferme de saumons de Pure Salmon, détenu par le fonds singapourien 8F Asset Management a en revanche pris du retard. Initialement annoncé à Boulogne-sur-mer, dans le Pas-de-Calais, le projet très consommateur en eau a dû se rabattre sur l’estuaire de la Gironde car il aurait pompé dans les Hauts-de-France de l’eau potable, alors qu’il peut prélever une eau impropre à la consommation et à l’agriculture au Verdon-sur-Mer. L’entreprise espérait ouvrir son écloserie en 2023 et commercialiser ses premiers saumons en 2026. Le projet (275 millions d’euros d’investissement, 250 emplois) a pris pour l’instant deux ans de retard. Face aux oppositions de certaines associations, l’entreprise a dû à nouveau revoir sa copie. Elle pourrait être obligée à d’autres ajustements quand l’Etat aura terminé l’instruction du dossier, fin 2024, même si le maire du Verdon, Jacques Dibalun, y croit encore.
Des gros projets dont l’horizon reste plus lointain
L’horizon reste plus lointain pour les plus gros projets, aussi plus emblématiques, annoncés lors des derniers Choose France. Des délais qu’expliquent notamment la taille de certains d’entre eux, qui mobilisent plusieurs milliards d’euros d’investissements, mais aussi leur complexité. L’installation d’une usine de production de plastiques PET à partir de déchets entièrement recyclés portée par Suez, le groupe canadienLoop Industries et SK Geo Centric a progressé depuis son annonce en 2022. Prévu initialement en Seine-Maritime, ce projet de 450 millions d’euros et de 200 emplois s’implantera sur la plateforme Chemesis de Saint-Avold, en Moselle. Le début de la construction demeure envisagé pour 2025, et la mise en service pour 2027.
Ré-évalué à un minimum de 1 milliard d’euros, contre 850 millions d’euros initialement prévus, le gigantesque projet d’usine de recyclage moléculaire du chimiste américain Eastman mise toujours sur un démarrage pour 2026 à Port-Jérôme (Seine-Maritime), avant une seconde phase permettant de doubler les capacités à horizon 2028-2030. Toutefois, selon un porte-parole, «Eastman s’efforce actuellement d’atteindre certaines étapes critiques nécessaires pour faire avancer le projet, et s’attend à ce que cela ait une certaine influence sur le calendrier global». 70% des approvisionnements en déchets PET, depuis la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, ont déjà été sécurisés par des contrats à long terme.
A Dunkerque, dans les Hauts-de-France, Orano et la firme chinoise XTC peaufinent leurs plans en vue de l’implantation de leurs usines de matériaux de cathodes pour les batteries électriques et de recyclage annoncée l’an dernier pour 1,5 milliard d’euros. Au total, trois usines sont prévues à Dunkerque, dont la première doit voir le jour en 2026. Les deux entreprises ont profité de la visite du président chinois Xi Jinping à Paris, lundi 6 avril, pour signer officiellement un partenariat stratégique. Elles ont déjà mené en mars 2024 une phase de concertation préalable du public, mais la décision finale d’investissement, et le montant d’aides publiques associées, restent attendues.
Début des démarches administratives pour Prologium et Holosolis
ProLogium avance lui aussi toujours son projet de gigafactory de batteries à Dunkerque, tout comme l’autre grand projet de batterie dans les Hauts-de-France porté par Envision EASC. Le groupe taiwanais a achevé la concertation préalable le 13 novembre 2023 … Elle a permis de rencontrer 900 personnes et donné lieu à 233 contributions directes ou prises pendant les rendez-vous selon l’entreprise qui compte désormais 15 salariés en France en plus de l’équipe support taïwanaise. L’entreprise a remis aux autorités son dossier de demande d’autorisation environnementale le 6 avril 2024 et s’apprête à déposer son permis de construire dans les prochains jours. L’enquête publique débutera en septembre prochain. Le début des travaux est prévu pour début 2025. Lors du Choose France 2024, auquel participera Vincent Yang, le PDG de ProLogium, l’entreprise devrait annoncer la localisation de son centre de R&D français.
Le calendrier est proche de celui du fabricant de panneaux photovoltaïques Holosolis, qui prévoit d’investir 750 millions d’euros à Sarreguemines (Moselle). Là aussi, la demande de permis de construire a été déposée et la procédure d’autorisation d’ICPE a été lancée le 7 mai. La décision finale d’investissement devrait être prise au 1er trimestre 2025, une fois les autorisations administratives obtenues. Les effectifs finaux de l’usine ont été requalibrés, de 1700 à 1900 salariés, lorsque les trois tranches de 1,7 GW chacune seront en fonctionnement. Holosolis est en cours de bouclage d’une première levée de fonds de série A de 20 millions d’euros pour finaliser le design détaillé de l’usine. Une seconde devrait suivre dans la foulée pour financer la construction du site. «Le calendrier de mi-2026 devrait être tenu. Pour l’Europe, c’est incroyablement rapide», assure son PDG Jan Jacob Boom Wichers, qui en est à son sixième comité de pilotage avec l’Etat et la région. Un accord avec RTE a été signé pour obtenir l’extension de la ligne haute tension approvisionnant l’usine en octobre 2026, lorsque la deuxième tranche devrait démarrer.
Des questions sur la participation de GlobalFoundries
Les perspectives semblent plus incertaines pour l’usine de puces, que doivent construire conjointement STMicroelectronics et GlobalFoundries à Crolles, près de Grenoble (Isère). Annoncé en juillet 2022, le coût de l’investissement a été relevé de 5,7 milliards à 7,5 milliards d’euros en cinq ans, dont 2,9 milliards d’euros de subventions publiques. Avec à la clef la création de 1000 emplois et un doublement de la capacité de production du site de STMicroelectronics à Crolles en plaquette de puces de 300 mm de diamètre. Le projet devait se concrétiser par la création de cinq modules de production, voire d’un sixième si besoin. Pour l’instant, le premier module est déjà en production, le deuxième est construit, mais pas encore équipé et le troisième en est à la fin des travaux de terrassement. Mais jusqu’ici, GlobalFoundries n’a participé ni à la construction ni à l’équipement des sites achevés. Le fondeur américain de semi-conducteurs semble reporter sa participation aux deux derniers modules du projet et justifie ce report par le retournement du marché des semi-conducteurs. Le chantier est aujourd’hui à l’arrêt. STMicroelectronics, qui a zappé la concertation publique préalable, a été contraint de mettre en place cette année cette procédure indispensable à l’obtention de l’autorisation administrative du projet.
Solène Davesne, avec Julien Cottineau, Ridha Loukil, Anne-Sophie Bellaiche, Nathan Mann et Cécile Maillard
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