La traditionnelle Fête du cardon se tient vendredi 8 décembre sur la place du village de Vaulx-en-Velin.
Cape de velours vert, canotier de paille et os à moelle en guise de médaille, c’est le grand jour pour les membres de la Confrérie du cardon de Vaulx-en-Velin.
Comme chaque année depuis 40 ans, le 8 décembre, Vaulx-en-Velin fête son produit phrase, le cardon.
L’histoire de cette plante potagère se confond avec celle de l’artichaut, écrit un horticulteur-grainier de la rue d’Algérie (Lyon 1er), bien connu des Lyonnais, et probablement fin gourmet, celui-là même dont le père était le fournisseur en pommes de terre des frères Lumière (pour la fécule des autochromes). Pour la petite histoire, la dynastie Rivoire rayonna pendant une centaine d’années dans le monde horticole, ses graines de fleurs et de légumes étant envoyées à des clients de plusieurs dizaines de pays.
Les deux plantes sont de la même espèce sauvage (Cynara cardunculus), indigène dans le Midi et aux bords de la Méditerranée. Chez la première on prend les côtes, chez la seconde les fonds. Si les deux ont un goût proche, le cardon est plus amer.
Lire aussi : Cardons aux coquillages façon risotto : la recette de Sonia Ezgulian
L’inerme vert
Dans la monographie Fleurs, fruits, légumes. L’épopée lyonnaise* – au sujet de laquelle les “sachants académiques” peuvent parfois avoir de la condescendance, alors même qu’on y dépeint l’histoire et le patrimoine d’un territoire –, on apprend que le cardon était cultivé par les Romains, avant de s’éclipser au Moyen Âge et de réapparaître à la Renaissance. Remontant progressivement la vallée du Rhône, le cardon se répand dans la région dès le XVIIe siècle, où ses côtes tendres et savoureuses sont appréciées. Le père de l’agronomie, Olivier de Serres, qui en cultivait dans sa propriété du Vivarais, louait les mérites de ce légume, particulièrement quand il venait à Lyon, “vrai païs de Cardes”, qui “surpassent en valeur plusieurs fruits du jardin”. À partir du XIXe siècle, le cardon prend racine dans les sols alluvionnaires, profonds et frais du Rhône, à Vaulx-en-Velin. Les jardiniers lyonnais réussissent, après des années de sélection et d’amélioration, à obtenir la variété “inerme vert de Vaulx-en-Velin”, aujourd’hui considérée comme l’une des plus agréables au palais (et sans épines).
“Le beurre de Dieu”
Le cardon devient dès lors l’emblème de la ville, avec sa confrérie – dont le chef étoilé Christian Têtedoie est membre éminent – et sa fête annuelle, chaque 8 décembre depuis quarante ans. Objectif : faire connaître une ville fière de son savoir-faire, de ses maraîchers et de sa tradition agricole – d’autant plus important que les derniers cultivateurs se comptent aujourd’hui sur les doigts d’une main. Les affiliés portent la cape de velours vert bordée de jaune or… et un os à moelle en guise de médaille. Car ici le gratin de cardons a toujours été cuisiné avec de la moelle de bœuf. “God’s butter” (“le beurre de Dieu”) comme l’avait baptisé le chef cuisinier et animateur de télévision new-yorkais Anthony Bourdain (“one of God’s great gifts to serious eaters”) qui, lors de son passage entre Saône et Rhône pour sa célèbre émission “Parts Unknown”, n’avait pourtant pas eu droit au gratin de cardons. Au-delà de la manifeste faute de goût (il paraîtrait que les Anglais la considèrent comme une plante ornementale… Grand bien leur fasse !), c’est surtout regrettable.
Légume fibreux qui nécessite beaucoup de travail manuel, peu attractif pour les jeunes, le cardon est de moins en moins cultivé. Aujourd’hui, le cardon est un marché de niche : “Il reste cinq principaux producteurs à Vaulx-en-Velin qui récoltent autour de cinq à six tonnes”, atteste André Mariat, président du comité des fêtes, organisateur de la Fête du cardon qui se tiendra le vendredi 8 décembre de 18 h à 22 h 30 sur la place du village.
*Fleurs, fruits, légumes. L’épopée lyonnaise, Stéphane Crozat, Philippe Marchenay, Laurence Bérard, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 2010.
———————————
[FAUX COUSIN]
Les côtes du cardon ressemblent beaucoup à celles de la blette (ou bette). Les deux légumes n’ont pourtant rien à voir, le cardon étant de la famille de l’artichaut et la blette de la betterave. Un dicton à Lyon ne dit-il pas : “Il n’y a pas de bon cardon sans épines.” ? Autre différence : les feuilles de blette se consomment (à la manière des épinards), contrairement à celles du cardon.
[LÉGUMES OUBLIÉS]
Sur les milliers de variétés de fruits et légumes créées à Lyon entre 1850 et 1914, l’âge d’or de l’horticulture lyonnaise, il ne reste que quelques dizaines de variétés encore cultivées en Rhône-Alpes.
Malgré son aura dans le Lyonnais, le cardon pourrait faire partie de la liste des légumes oubliés à l’instar de “la gloire des Charpennes” (tomate), “la grosse rouge de Lyon” (laitue pommée), “le noir de Caluire” (navet), “le quintal de Rillieux” (chou), “le haricot beurre nain du Mont-d’Or” ou “le géant d’hiver de Monplaisir” (épinard).
[CONFRÉRIE]
Créée en 1993 pour promouvoir la culture du cardon sur les terres de Vaulx-en-Velin et le savoir-faire de ses maraîchers, la Confrérie du cardon de Vaulx-en-Velin compte aujourd’hui 150 membres.
Elle fait partie de la cinquantaine de confréries gastronomiques d’Auvergne-Rhône-Alpes qui, depuis juillet 2023, ont été incluses dans l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel.
Cape de velours vert, canotier de paille (clin d’œil aux maraîchers explique Andrée Godeau, son grand maître) et os à moelle en guise de médaille (clin d’œil au gratin de cardons à la moelle).
[RECETTE STAR]
À Lyon, on mange le cardon en gratin à la moelle depuis au moins 1895, date à laquelle L’Écho des Alpes de Grenoble décrit la recette (les cardons sont épluchés, cuits à l’eau salée, égouttés, mélangés à un roux ou une béchamel avec quelques rondelles de moelle, tirées de l’os du bœuf, et le tout passé au four). Certains parlent d’un banquet officiel à l’hôtel de ville de Lyon en 1548. Ce qui est sûr, c’est que la cuisine lyonnaise fait un emploi remarquable de ce légume. Qui a dit que cette dernière n’était pas saine ?
[CITATION]
“Un cuisinier en état de préparer un plat de cardons exquis peut s’intituler le premier artiste de l’Europe.”
Grimod de La Reynière, écrivain, considéré comme l’un des pères fondateurs de la gastronomie.
[ANECDOTIQUE]
Le biodiesel est un type de biocarburant fabriqué principalement à partir d’huile végétale. En 2015, un étudiant en génie chimique de l’École nationale polytechnique algérienne a publié un mémoire évaluant les impacts environnementaux de la chaîne de production du biodiesel issu de l’huile de cardon. Aucune suite ne semble avoir été donnée à l’étude.
[SANTÉ]
La graine du cardon contient également de la silymarine, une importante caractéristique d’un point de vue nutritionnel car elle a des effets régénérateurs sur les cellules hépatiques.
L’article original a été reconstitué du mieux possible. Pour émettre des remarques sur ce post concernant le sujet « Terres-de-Saone » veuillez utiliser les contacts affichés sur notre site. Le site cc-terresdesaone.fr est fait pour créer différents articles autour du thème Terres-de-Saone développées sur la toile. cc-terresdesaone.fr vous a reproduit cet article qui débat du sujet « Terres-de-Saone ». Il est prévu divers développements autour du sujet « Terres-de-Saone » dans peu de temps, on vous incite à visiter notre site plusieurs fois.