« Je me trouve dans une impasse » : en Haute-Saône, ces agriculteurs bio veulent quitter le label

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S’estimant « abandonnée » par les annonces gouvernementales à la suite du mouvement de colère des agriculteurs, la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) appelle à manifester ce mercredi 7 février. En Haute-Saône, territoire précurseur en matière de conversion bio, ceux qui pensent à quitter le label y sont de plus en plus nombreux.

Après la colère du monde agricole, FDSEA en tête, c’est au tour de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) de tirer la sonnette d’alarme. La fédération professionnelle estime que sa filière est « abandonnée » par le gouvernement, et appelle à un rassemblement à Paris ce mercredi 7 février. Des propos qui raisonnent en Haute-Saône, où les agriculteurs labélisés sont de plus en plus nombreux à penser à quitter le bio.

Etienne Schwendenman est l’un d’eux. Au printemps prochain, il va sortir du bio. Il s’estimait pourtant plutôt chanceux. Cet éleveur de vache laitières est installé à Villers-le-sec, en Haute-Saône, depuis 13 ans. Il travaille pour la filière Gruyère, protégée par une IGP (Indication d’origine protégée), au marché plutôt stable.

Il y a cinq ans, avec ses 150 vaches, il a sauté le pas. « Avec une différence de prix de vente de 100 à 150 euros [de plus] les 1000 litres entre le lait conventionnel et le bio, il y a cinq ans, c’était intéressant » explique-t-il. « Aujourd’hui, la différence est trop faible, je ne m’y retrouve plus ».

Comme l’explique Valentin Fleytoux, co-président du groupement des agriculteurs bio de Haute-Saône, filière régionale de la FNAB, le lait bio est payé en moyenne 500 euros les 1000 litres et n’a pas été augmenté depuis 2021 début de l’inflation alors que le lait conventionnel a été relevé à 450 euros. « C’est injuste et cela désincite les éleveurs à passer en bio, c’est contre-productif » estime-t-il.

« Dans le même temps, le prix des aliments a augmenté et pèsent deux fois plus chers dans mes charges «  ajoute Etienne Schwendenman. Car, en passant au bio, il a réduit la productivité de ses terres de céréales, qui lui permettaient jusqu’alors de nourrir ses bêtes : « j’ai perdu en rendement » constate-t-il. De 6,5 tonnes de céréales environ par hectare à 2,5. « Il vaut mieux mettre un désherbage, des engrais, et avoir une autonomie sur l’alimentation » estime désormais l’éleveur.

Le lait n’est pas la seule filière concernée : « sur le blé qu’on vendait 400 euros l’année dernière, cette année, on l’a vendu 200 euros » se désole Antonin Laut, éleveur de vaches et producteur de céréales, installé dans le bio depuis cinq ans. « Sur le marché national, c’est compliqué de vendre ».  Le jeune agriculteur envisage de quitter son label bio.

« Sur la filière céréales, en chiffre d’affaires, il va manquer 50.000 euros sur l’exploitation » confie Jean-Charles Russy, en polyculture bio à Augicourt. « C’est quasiment 20% de chiffre d’affaires en moins ». L’agriculteur labelisé depuis huit ans a dû repousser la reprise de son exploitation par sa fille, et tente de développer la vente directe. Il pense aussi au déconventionnement : « c’est supportable une année, mais deux ça ne passera pas ».

« Ce qui serait providentiel pour la filière serait un redémarrage de la consommation », tempête Valentin Fleytoux. La consommation du bio en recule depuis la crise du Covid. En 2022, le chiffre d’affaires des magasins bio a reculé de 12,2 % par rapport à 2021. Il avait déjà diminué de 6 % entre 2020 et 2021. Les ventes en supermarché se rétractent également de 4 % en 2022. Une baisse qui s’explique notamment par l’inflation.

Pour pallier ce marché « bouché« , Frédéric Ferrand, céréalier à Lavoncourt, a cherché des solutions, en cultivant d’autres variétés. Il a planté du cartham : « ça se présentait bien, et puis là les marchés sont bloqués ». « J’ai récolté 6 tonnes, mais je n’ai pas de repreneur ». Cinq ans après son passage au bio, il va le quitter : « je pense que ça s’impose, la déconversion » soupire l’agriculteur. « C’est triste, mais je me trouve dans une impasse ».

Après cinq ans dans le bio, les aides à la conversion, destinées à inciter les agriculteurs à passer au bio, s’arrêtent. « Je ne trouve plus ma place dans cet espace-là » ajoute Frédéric Ferrand.

Valentin Fleytoux estime qu’il faut davantage travailler sur la consommation et invite les grandes surfaces à plus « jouer le jeu » : « on se rend compte qu’on perd en visibilité, “on a l’impression d’être relayé en bout de rayon, d’être caché fin fond du magasin » dénonce-t-il.

Venlentin Fleytoux pointe du dos la loi Egalim qui n’est pas appliquée. Depuis le 1er janvier 2022 les produits bio devraient représenter 20% des repas dans la restauration collective publique. « Aujourd’hui, nous en sommes à 7%, en Haute-Saône comme ailleurs, cette loi n’est pas respectée« .

C’est le système agricole dans son ensemble qu’il faut soutenir, selon lui. « Je ne suis pas forcément toujours d’accord avec la forme des mobilisations (feu de pneus, fumiers, blocages etc.) mais je trouve qu’il est important de faire entendre le monde paysan », conclut-il.

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