L’Assemblée Nationale vote l’extension du pacte Dutreil aux terres agricoles conservées 15 ans, sans plafond de valeur ni limite d’âge du bénéficiaire. Une avancée encore incertaine en cas de recours à l’article 49.3 de la Constitution pour adopter le budget 2025.
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osant les bases d’un « Pacte Dutreil sur terres agricoles » ce vendredi 8 novembre, lors de l’examen en séance du projet de loi de finances pour 2025 (PLF), les députés ont adopté à 86 voix contre 10 une exonération des « droits de succession ou de donation à hauteur de 75 % de la valeur du foncier et sans aucun plafond » du moins « à la condition que le bien reste la propriété du donataire, héritier et légataire pendant quinze ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit ». Soit une suppression du plafond actuel de 500 000 € à partir duquel l’exonération de 75 % tombe à 50 %. Portée par six amendements identiques*, cette proposition a été défendue dans l’hémicycle sous l’angle de la pérennisation du modèle d’exploitations agricoles familiales, dans la lignée des demandes du vignoble AOC pour « un New deal fiscal ».
En l’état, « l’amendement vise à améliorer les conditions de transmission à titre gratuit des exploitations agricoles familiales en alignant les règles de fiscalité appliquées en cas de transmission des terres agricoles sur celles de l’entreprise familiale » résume la députée Françoise Buffet (Bas-Rhin, Ensemble Pour la République). « Tout ce qui favorise la transmission familiale va dans le bon sens » ajoute la députée Véronique Louwagie (Orne, Droite Républicaine), avertissant que « si rien n’est fait pour faciliter la transmission, nous assisterons à des regroupements qui produiront de très grosses exploitations, et nombre de jeunes agriculteurs n’auront pas la possibilité de s’installer ».
Cote d’or
Un risque accru de rupture dans la transmission familiale qu’illustre le député Benjamin Dirx (Saône-et-Loire, Ensemble Pour la République) avec « l’exemple du dernier domaine vendu en Côte-d’Or : d’une superficie de 1,3 hectare, il est parti pour 15 millions d’euros. L’exploitant ne voulait pas cet argent : il souhaitait seulement conserver les terres sur lesquelles il avait travaillé, et son père et son grand-père avant lui. Il n’a pas pu empêcher ce qui s’est produit. L’acheteur, c’est Bernard Arnault, PDG de LVMH – que vous dénoncez tous les jours » lance le député aux députés s’opposant à ces propositions : « en ne votant pas ces amendements, vous créez Bernard Arnault. »
Rejetant ce pacte Dutreil agricole, la députée Manon Meunier (Haute-Vienne, La France Insoumise) dénonce « un dialogue hypocrite : vous dites qu’il faut faciliter la transmission familiale des fermes et des petites exploitations à taille humaine, alors que les amendements précédents visaient à faire sauter tous les plafonds d’exonération et donc à faciliter les plus grosses structures et l’agrandissement des exploitations. Un peu de cohérence, donc. Aidons les agriculteurs, définissons des plafonds et des échelles, afin de préserver les exploitations familiales, mais arrêtons de faire sauter les plafonds. »
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Alternative gouvernementale
Autre opposition que celle de la commission des finances (où ces amendements ont été adoptées), son rapporteur général, le député Charles de Courson (Marne, Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), qui semblait plus allant il y a quelques mois, mais préconise désormais de pas trop s’avancer et d’en rester à la proposition du gouvernement : qui monte de 500 à 600 000 € le plafond d’exonération pour « la transmission de terres louées à bail à long terme à de jeunes agriculteurs », mais « sans cibler ce public puisque vous avez adopté mon amendement » élargissant le dispositif aux plus de 41 ans (ce qui revient à la proposition « Entreprendre en Agriculture » de la FNSEA et des JA).
Dans le cadre budgétaire actuel**, « donnons-nous le temps d’évaluer cette mesure et le pacte Dutreil, dont le coût est très mal chiffré » argumente Charles de Courson, qui « plaide simplement pour la modération, car nous améliorerons la progressivité au cours des prochaines années », alors qu’« il semble que les plafonds de 500 000 et 600 000 euros soient déjà largement suffisants pour couvrir la majorité des situations. L’extension proposée risque de créer des effets d’aubaine, pour quelques exploitations seulement. » Même rejet du gouvernement, le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, émettant un « avis défavorable pour les raisons évoquées ».
Avenir incertain
Retoqué en 2023, ce pacte Dutreil agricole demandé par le vignoble va désormais être suspendu à l’examen au Sénat, avant un probable recours à l’article 49.3 de la Constitution par le gouvernement qui rebattrait toutes les cartes. Alors que la grogne agricole repart, l’enjeu politique de ce dispositif n’est pas neutre alors que des engagements ont été pris par le précédent exécutif. Comme le rappelle en séance l’ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Travert (actuel député de la Manche, Ensemble Pour la République) : « nous avons élaboré dans le projet de loi d’orientation pour l’agriculture (PLOA) plusieurs dispositifs pour faciliter la transmission des exploitations et le renouvellement des générations. Nous avons besoin de traduire dans le PLF ce qui a été défendu dans le texte qui sera prochainement débattue au Sénat. » Le défi étant de taille, alors que le député Corentin Le Fur (Côtes-d’Armor, Droite Républicaine) rappelle que « la transmission des exploitations est un enjeu fondamental, car la moitié des exploitants agricoles partiront à la retraite dans les dix prochaines années ».
* : Ceux portés par les parlementaires Françoise Buffet (Bas-Rhin, Ensemble Pour la République), Véronique Louwagie (Orne, Droite Républicaine), Nicolas Ray (Allier, Droite Républicaine), Stéphane Travert (Manche, Ensemble Pour la République), Benjamin Dirx (Saône-et-Loire, Ensemble Pour la République), et Corentin Le Fur (Côtes-d’Armor, Droite Républicaine)
** : « La mesure prévoit une compensation budgétaire par une taxe additionnelle sur les produits du tabac, assurant ainsi la neutralité fiscale de l’amendement » indique un communiqué du député Benjamin Dirx, pointant que « cet équilibre témoigne d’une volonté de moderniser la fiscalité agricole tout en restant attentif aux impératifs budgétaires de l’État ».
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