Après un AVC, ce Breton a marché plus de 2 000 km en 3 mois de Canterbury à Rome

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C’est une voie de pèlerinage médiévale équivalente au chemin de Compostelle : la Via Francigena représente 2 175 km entre Canterbury en Angleterre et Rome en Italie.

Jean-Luc Chaumier, qui vit à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), a entrepris d’effectuer cette longue marche. Un défi d’autant plus remarquable que l’homme a survécu à un AVC il y a 10 ans.

Premiers pas

Jean-Luc est parti le 1er mai 2024 de la cathédrale de Canterbury.  En France, après la côte d’Opale, il a traversé de grandes plaines et a croisé les trois rivières qui ont débordé l’hiver dernier : la Hem, l’Aa et la Lys.

Jean-Luc Chaumier devant la cathédrale de Canterbury point de départ de la via Francigena
Jean-Luc Chaumier devant la cathédrale de Canterbury point de départ de la via Francigena. ©photo fournie

Notre marcheur a dormi dans divers hébergements : abbayes, petits hôtels, gîtes pour routards, gîtes pour pèlerin, campings en mobile home, chambres d’hôtes, Emmaüs…

Jean-Luc a aussi croisé de nombreux pèlerins : Samuel, Belge de 40 ans qui fait la Via Francigena par petits tronçons de trois jours compte tenu qu’il travaille ; Mary March (la bien nommée), une Australienne de 69 ans qui ne pense pas arriver à Rome à pieds car elle ne dispose que d’un visa de 90 jours.

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A Therouanne leur logeur leur a fait visiter la ville : la vieille ville a été complètement rasée en 1553 sur ordre de Charles Quint. Jean-Luc a au passage pu déguster une tarte au maroilles. 

Les Bretons sont partout !

Deuxième semaine : après avoir traversé la zone des anciennes mines où il a gravi deux terrils, dont un de 130 mètres, notre marcheur a poursuivi sa pérégrination au travers des lieux de mémoire de la première guerre mondiale, dont Notre Dame de Lorette et la multitude de cimetières du Commonwealth, quasiment un par commune.

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Le pèlerin a traversé les grandes plaines céréalières de la Somme et de l’ Aisne avec des fermes de plus de 1000 ha parfois. Les betteraves sont en surface plus réduites remplacées par les cultures du lin et des pommes de terre. Après une météo plutôt clémente, la pluie s’est invitée sur le chemin de halage du canal de St Quentin. 

A la paroisse de Tergnier, les pèlerins rencontrés sont plus nombreux : deux Français, un Italien et un Portugais.

Jean-Luc a appris une devinette issue du Penthièvre par le boucher de Burbure : quelle est la différence entre un marin et un boucher ? Le marin voit la côte avant le port, le boucher c’est l’inverse !

Un autre jour il fait une pause au café Monsieur Arnaud, tenu par Virginie et Arnaud.

« Nous avons discuté pendant plus d’une heure. C’est l’esprit du chemin : rencontrer une personne qui en 2024 fait plus de 2000 km seul avec son sac à dos ce n’est pas ordinaire ! Je repars et voici que le monsieur me court après dans la rue pour m’offrir chez eux un café et deux casse-croûte pour mon déjeuner. « 

A Bapaume, Jean-Luc a logé chez une ancienne agricultrice, productrice de betteraves à sucre. Il y a eu des périodes où les sucreries en manque de camions et de chauffeurs contactaient des Bretons pour aider aux transports pendant les récoltes.  » Sa famille a fait connaissance avec des Bretons et ma logeuse a acquis une maison à Erquy pendant 9 ans, qu’elle a revendu pour se rapprocher de ses enfants à Bapaume. « 

Vive le Champagne !

Troisième semaine : trois jours de pluie depuis le départ, que des belles rencontres et des hébergements de qualité.  Après la magnifique ville médiévale de Laon, perchée sur son éperon rocheux, le séjour dans la communauté Emmaus de Berry au Bac entrera parmi les plus beaux moments de cette pérégrination.

Ensuite le pèlerin est reparti vers Rome en traversant les vignes champenoises et retrouvant ainsi de petites collines. Le Champagne reste une production prestigieuse. Ainsi un ha planté se négocie entre 1,2 et 1,5 millions d’euros. À comparer aux terres céréalières de la Marne dont le prix varie entre 10 et 15 000 euros l’hectare.

Goûter le Champagne et marcher sont incompatibles mais le pèlerin s’est autorisé une coupe  dans le village de Verzenay,  haut lieu de la production champenoise (Ruinart). Avant d’arriver à Châlons-en-Champagne (ex Châlons-sur-Marne), Jean-Luc a logé chez un céréalier qui exploite seul 300 ha.

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Un mois déjà…

Quatrième semaine : l’infatigable marcheur a ensuite rencontré Ilona, 42 ans de Gouda aux Pays Bas et Ricardo, 29 ans, de Rome. Il ne s’attendait pas à passer près de la capitale mondiale de la craie pour écoliers !

Jean-Luc a cheminé sur les halages du canal de l’Aisne à la Marne qui traverse Reims et du canal de la Marne de Condé/Marne à Vitry-le-François. Les maisons et églises à pans de bois sont fréquentes dans ce plat pays, avec de grandes surfaces en céréales sans exploitation visible car regroupées près des bourgs.  » C’est la diagonale du vide propice à la méditation « , plaisante-t-il. 

La Champagne humide et ses lacs arrivent, le lac Amance par exemple est stratégique pour Paris en permettant l’écrétement des crues en étant une réserve en eau potable pour la capitale. Quant à la ville de Brienne, le château où Napoléon a étudié à l’école militaire, un musée y est consacré à l’empereur.

Les journées sont plus variées avec une alternance de grandes cultures et de vastes surfaces boisées

De ville en ville

Cinquième semaine : après les grandes forêts de haute Marne, dont celle d’Arc en Barois Chateauvillain, les paysages sont plus vallonnés. La belle ville perchée de Langres et son grand lac de la Liez avec ses pêcheurs mériterait une visite plus longue.

J’ai passé un excellent moment à Lecey au bar chez Juliette avec Fanfan et Anne la gérante. Le seul café d’un bourg rural sur la Via Francigena entre Calais et Besançon. 

Les sommets sont plus hauts. Dès la Haute Saône certaines collines culminent à plus de 350 mètres, les montagnes approchent. La météo est pluvieuse mais elle s’améliore, le beau temps s’annonce.

Jean-Luc au col du Grand Saint-Bernard point culminant de la via Francigena 2473 mètres
Jean-Luc au col du Grand Saint-Bernard point culminant de la via Francigena 2473 mètres ©photo fournie

« Des prairies très fleuries »

Sixième semaine : les deux dernières étapes françaises sont en moyenne montagne à 1000 mètres. L’air y est vif et pur. Le point le plus haut de la via Francigena française a été franchi à la Roche Sarrazine (1200 m) sur la commune des Fourgs.

Besançon, dernière grande ville traversée avant la frontière suisse, est chargée d’histoire. Outre sa célèbre citadelle, des vestiges gallo romain y subsistent avec par exemple la porte noire qui est un arc de triomphe érigé sous Marc Aurèle en 175.

Les bons fromages dans cette région ne manquent pas. « J’ai même goûté la fameuse cancoillotte, le lait est produit par des Montbéliardes dans des prairies très fleuries. » 

Le pèlerin a la chance d’être hébergé à l’ermitage Notre Dame du Chêne. Il échange ainsi avec les prêtres malgaches qui gèrent ce superbe site. C’est également le paradis de la spéléologie.

Maintenant c’est la Suisse, la frontière est passée sans difficulté par un chemin rural.

La première journée consiste à remonter la vallée de l’Orbe. L’accueil est d’une grande qualité. Le deuxième jour en Suisse lui permet de visiter la grande abbatiale de Romainmotier et de commencer à voir les Alpes à l’horizon.

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Le monde est petit

Septième semaine : la moitié du périple est déjà effectuée. Jean-Luc se sent très bien en Suisse, le pays est vert et très propre. Il est hébergé à Ferreyres chez les Collet, qui ne sont pas Bretons mais qui ont parcouru le fameux sentier des douaniers, notre GR34, et ont passé une nuit à Saint-Brieuc. Le monde est très petit !

Chez les Helvètes, notre pèlerin descend sur Lausanne, le Mont Blanc lui servant de boussole. Il n’a pas dormi pas au Lausanne Palace à 3000€ la nuit mais à la paroisse Saint-Amédée où il a été accueilli par Monique, 90 ans, et Édouard son mari de 86 ans.

Monique dispose d’une vivacité d’esprit et d’une mémoire exceptionnelles. Elle a été infirmière au Cameroun. Encore une excellente soirée !

Le lendemain direction Vevey, patrie de Charlie Chaplin. Le pèlerin est hébergé par Caritas dans un bâtiment du groupe Nestlé. Il passe une magnifique journée sous le soleil entre lac et vignes en terrasses de Lavaux.

À Montreux, le grand Freddie Mercury est honoré d’une monumentale statue. Enfin, à Chillon, c’est son beau château que de nombreux touristes viennent visiter. Désormais Jean-Luc parcourt la vallée du Rhône. À Aigle, il regarde passer le tour de Suisse féminin, les autorités locales lui ayant demandé de s’arrêter sur le bord de la route pour ne pas perturber la course. 

Jean-Luc pose devant la statue de Freddie Mercury
Jean-Luc Chaumier pose devant la statue de Freddie Mercury à Montreux en Suisse. ©photo fournie

Après une nuit de repos à l’abbaye de Saint-Maurice, Jean-Luc reprend sa route et se délecte en chemin d’excellents bigarreaux et abricots. Les jours suivants sont consacrés à la montée progressive vers le col du Grand Saint Bernard à 2400 mètres, point culminant de la Via Francigena.

C’est une grande satisfaction de slalomer entre les hautes montagnes de voir beaucoup de cascades sous un beau soleil.

Descente vers l’Italie

Huitième semaine : la montée s’effectue au milieu des vaches Herens. Le seul bruit est celui des cascades. L’accueil à l’Hospice du Grand Saint Bernard est exceptionnel.

Ce beau séjour en Suisse se termine. Le lendemain descente sur l’Italie. Le col est encore bien enneigé. « Les marmottes et les chamois sont là. »  Il pleut toute la journée. Le pèlerin profite de la descente pour goûter le fameux jambon local. Un jeune pèlerin nantais de 30 ans apprécie également. A Aoste, ville fortement marquée par le passage des Romains, de nombreux monuments subsistent.

Jean-Luc reste cerné par les hautes montagnes jusqu’à Pont-Saint-Martin, qui se réduisent ensuite à des collines. Les rencontres se succèdent, là avec un prêtre franciscain, ici chez les sœurs de l’ermitage de Peloz. A Ivrea, le pèlerin loge à la base d’entraînement pour les Jeux Olympiques de l’équipe d’Italie de canoë kayak.

Maintenant c’est la plaine. Il y a encore un peu de vignes sur les coteaux et dans la plaine des peupliers et du maïs et puis quelques élevages. Jean-Luc retrouve des odeurs bien connues : lisier de porcs, ensilage de maïs… Il chemine près du beau lac de Viverone, un des plus grands d’Italie.

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La grande forme !

Neuvième semaine : Jean-Luc passe quatre jours dans les rizières italiennes, qui assurent près de 50 % de la production européenne, et goûte des plats typiques. Les belles rencontres se poursuivent comme ce garde suisse qui rentrait chez lui à pieds après avoir terminé son contrat de 2 ans.

C’est la magie du chemin : Jean-Luc retrouve à Pavie son copain Giulio qu’il avait croisé pour la première fois à Wisques dans le Pas-de-Calais.

La météo devient plus chaude, mieux vaut marcher très tôt. « Chi va piano va sano e va lontano. » Jean-Luc passe plusieurs jours dans la plaine du Po jusqu’à Fidenza. Il séjourne notamment à Piacenza, ville de départ d’une étape du Tour de France cette année. La vallée du Po ressemble beaucoup à celle de la Loire.

Le marbre de Toscane

Dixième semaine : Jean-Luc quitte la plaine du Po, remonte la vallée du Taro et franchit le dernier col de la Via Francigéna, à 1041 mètres. Et voilà la Toscane où il se délecte de spécialités locales, testaroli et filetto de Manzo notamment.

En chemin, Jean-Luc fait la connaissance d’un jeune pèlerin allemand de 36 ans, Martin, qui vient sur la Via Francigena pendant ses congés. Il traverse de magnifiques villages médiévaux pour descendre la vallée de la Magra jusqu’à Aulla.

Le nombre de pèlerins augmente car de nombreux Italiens viennent passer quelques jours sur la Via Francigena. Les unités de traitement du marbre de Carrare existent dans toute la vallée. Même les panneaux de la Via Francigena sont en marbre .

Le but est proche

Onzième semaine : sur les routes dès 5h, Jean-Luc boit jusqu’à 4 litres d’eau par jour. La ville de Lucca écrasée par le soleil est intéressante à visiter. Il y passe une excellente soirée avec des hospitaliers, membres de la confrérie des amis de Saint-Jacques de Perougia.

Puis il rejoint San Miniato, beau village perché, et la très touristique San Gimignano. Après des jours de solitude, le contraste avec cette foule est frappante.

Jean-Luc emprunte de longs chemins blancs entre les oliviers, les vignes à Chianti et les belles demeures jusqu’à Monteriggioni, Sienne puis le Ponte d’Arbia. La soirée à l’hébergement est très animée : de jeunes pèlerins sont arrivés avec guitare et harmonica.

Au passage, Jean-Luc traverse des vignes qui produisent un des meilleurs vins au monde : le Brunello de Montalcino.

Prêt à repartir !

Douzième semaine : retour en altitude, à plus de 800 m, pour rejoindre Radicofani. La température est d’environ 32 degrés alors qu’en plaine les 38 sont atteints. Jean-Luc croise un autre pèlerin qui, comme lui, chemine depuis Canterbury. Ciao la Toscane, bonjour le Latium, une des étapes les plus sauvages de la Via Francigena où il retrouve ses jeunes amis musiciens.

La dernière grande ville avant Rome est Viterbo. Il ne reste plus que 100 km à parcourir au milieu de cultures céréalières et de quelques parcelles d’oliviers ou de noyers. 

Dernière nuit à la Storta, à 20km de la place Saint-Pierre, but ultime de ce voyage. « C’est un lieu sacré pour les Chrétiens », note Jean-Luc qui a éprouvé à la fois « un sentiment de grande joie d’avoir rejoint Rome et sa basilique et un peu de tristesse que le chemin se termine ». 

Mon épouse, ma famille, mes amis sont tous très contents que je puisse faire ces marches au long cours , ce n’est pas un exploit il y a des milliers de personnes qui y arrivent . Il faut juste préparer physiquement et mentalement les projets.

Jean-Luc a depuis rangé son sac à dos mais pense déjà à repartir vers d’autres horizons.

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