Ain Histoire locale: le jour où le maréchal de Lattre de Tassigny lui a donné deux saucissons

« Un jour d’octobre 1943, mon père m’emmène chez un boucher-charcutier de Manziat, Aimé Broyer, dit Mémé. On a fait le voyage avec la camionnette (à gazogène) d’un ami. Mémé avait dit à mon père qu’il pourrait repartir avec un ou deux saucissons – cela peut paraître risible de faire un tel trajet pour ramener deux saucissons, mais il ne faut pas oublier que nous sommes en pleine occupation allemande et avec les terribles restrictions alimentaires qui en découlent…

Le charcutier avait laissé son commis s’occuper de nous – grimpé sur un escabeau, il nous a servi deux magnifiques saucissons taille Jésus…

Avant de partir, nous avons eu une poignée de mains avec le commis, qui était barbu et portait une casquette. Puis, retour à Bourg, la trouille au ventre, avec la crainte d’être contrôlé par les Allemands et aussi par les maquisards qui avaient faim ! Finalement, le retour se fera sans problème.

Mais après la Libération, ce petit périple prendra une tout autre dimension, car nous apprîmes que le commis boucher que nous avions rencontré n’était autre que le général (futur maréchal !) De Lattre de Tassigny.

Mémé Broyer l’avait caché dans le cadre des liaisons aériennes clandestines mises en place par la Résistance entre la France et l’Angleterre – le secteur de Manziat constituait alors un point stratégique avec ses grandes prairies du bord de Saône qui permettaient aux avions d’atterrir et de repartir.

Devenu adulte, j’ai fait carrière dans l’Armée de l’air. Un destin qui me mettra à nouveau sur la route de l’illustre soldat. C’était une autre guerre, en Indochine, à Hanoï, en janvier 1951…

Mais quel souvenir ! De Lattre grimpé sur un escabeau me donnant deux saucissons… Un général, futur Maréchal de France ! »