Les terres agricoles françaises sont les plus taxées d’Europe

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Publié le 9 décembre 2023

Par Philbert Carbon.

Les Jeunes agriculteurs s’amusent à mettre à l’envers les panneaux de signalisation partout en France pour signifier que la politique agricole « marche sur la tête ». Ils dénoncent, entre autres, des normes trop nombreuses, une surcharge administrative et des rémunérations de misère.

Ils auraient pu aussi s’en prendre à la fiscalité. Une étude de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), que nous avons déjà évoquée au moment de sa sortie, rappelle que l’imposition des terres agricoles, très élevée en France, défavorise la rentabilité de l’agriculture et encourage à un changement de destination des terres agricoles.

Panorama des principales taxes en Europe

En Europe, six taxes principales s’appliquent, à des degrés divers, aux terres agricoles.

Taxe sur le foncier non-bâti

Sur la trentaine de pays qui fait l’objet de l’étude, les deux tiers ne soumettent pas ou peu les terres agricoles à la taxe foncière. Dans cinq pays (Chypre, Croatie, Malte, Royaume-Uni, Slovénie), la taxe sur le foncier non-bâti n’existe pas. Dix pays en exonèrent les terres agricoles, et quatre les exonèrent en grande partie.

Rappelons que cette taxe est un impôt annuel indépendant du revenu des terres agricoles et constitue une charge à l’hectare récurrente.

Impôt sur le revenu

La plupart des pays étudiés soumettent les revenus fonciers issus des terres agricoles à l’impôt sur le revenu.

Seul le Lichtenstein n’a pas d’impôt sur le revenu. Six pays (Autriche, Belgique, Bulgarie, Hongrie, Irlande Pays-Bas) exonèrent d’impôt les revenus fonciers agricoles, totalement ou partiellement.

Droits de mutation à titre gratuit

Une bonne vingtaine de pays appliquent des droits de mutation à titre gratuit en Europe. Cependant, une douzaine d’entre eux ont mis en place des dispositifs fiscaux spécifiques dans l’objectif de favoriser la transmission des terres et, par conséquent, la continuité de l’activité agricole.

Depuis le début des années 2000, onze pays ont abrogé les droits de mutation à titre gratuit : Autriche (2008), Chypre (2000), Estonie, Lettonie, Malte, République tchèque (2014), Roumanie, Slovaquie (2004), Suède (2005), Norvège (2014), Liechtenstein (2011).

En France, les biens ruraux donnés en location à long terme et les parts de certaines sociétés agricoles bénéficient aussi d’abattements sur la valeur imposable (de 75 % jusqu’à 300 000 euros et 50 % au-delà) mais les droits de succession applicables sont beaucoup plus élevés que dans les autres pays, jusqu’à 45 % en ligne directe et 60 % au-delà du quatrième degré de succession.

Droits de mutation à titre onéreux

Les droits de mutation à titre onéreux suivent une tendance similaire à celle observée pour les droits de mutation à titre gratuit.

Quatre pays ont supprimé ces droits depuis 2005. Onze pays ont mis en place des dispositifs fiscaux en faveur des terres agricoles, dont trois les exonèrent complètement des droits de mutation à titre onéreux.

Taxe sur les plus-values immobilières

La grande majorité (23/30) des pays européens étudiés applique le régime général des plus-values immobilières aux terres agricoles sans exonération.

Trois pays (Autriche, Belgique, Pays-Bas) les en exonèrent totalement. Trois pays les exonèrent sous conditions, ou jusqu’à un certain montant, ou encore pratiquent un taux préférentiel très réduit.

Impôt sur la fortune

La plupart des pays européens ont supprimé ce type d’impôt. Il ne subsiste que dans deux États membres de l’Union européenne : l’Espagne et la France. En dehors de l’UE, il existe également en Norvège et en Suisse.

Les quatre pays dans lesquels l’impôt sur la fortune subsiste ont tous mis en place des dispositifs spécifiques aux terres agricoles afin d’alléger son poids. La Norvège permet ainsi une réduction de 75% de leur valeur pour son calcul. Dans les faits, cet impôt est plafonné à 0,21 % pour les terres agricoles (taxe nationale + taxe municipale). La France applique un système proche mais plus pénalisant pour les terres agricoles puisque la réduction de la valeur de l’assiette n’est que de 50 %, qu’elle ne joue que pour les terres soumises à bail rural à long terme et que les taux de l’impôt sont plus élevés qu’en Norvège. En Espagne, de nombreuses régions autonomes appliquent un taux de 0 % pour cet impôt. Enfin, la Suisse utilise une valeur imposable en deçà de la valeur de marché, ce qui réduit l’imposition des terres agricoles.

Les terres agricoles sont davantage taxées en France que dans les autres pays européens

À côté de la fiscalité liée aux revenus (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux), la France applique, sur les terres agricoles, cinq taxes non liées au revenu :

  1. La taxe foncière
  2. La taxe pour frais de chambres d’agriculture
  3. Les droits de mutation à titre onéreux
  4. Les droits de mutation à titre gratuit
  5. L’impôt sur la fortune immobilière

La France se distingue aussi par des taux élevés : elle a le taux marginal d‘imposition le plus élevé en Europe pour l’impôt sur le revenu ; le deuxième pour les droits de mutation à titre gratuit ; le quatrième pour les droits de mutation à titre onéreux et le cinquième pour les plus-values immobilières, avec des abattements très lents et une durée de taxation la plus longue.

Elle fait partie de la moitié des pays européens qui conservent une taxe foncière indépendante du revenu sur les terres agricoles, et elle est l’un des quatre seuls pays dans lesquels existe un impôt sur la fortune s’appliquant aux terres agricoles. Elle est le seul pays dans lequel cet impôt s’applique uniquement au foncier, désavantageant ainsi les terres agricoles par rapport aux valeurs mobilières ou liquidités. Elle est aussi le seul pays où cet impôt s’applique aux terres agricoles malgré des loyers de fermage règlementés.

L’étude indique également que la taxation des terres agricoles a augmenté fortement entre 1991 et 2019 avec la création de nouveaux prélèvements (CSG et CRDS, Prélèvement social et Contribution additionnelle au prélèvement social, Cotisation RSA, transformée en Prélèvement de solidarité) et l’augmentation des taxes existantes.

En outre, tous ces impôts et contributions diverses s’appliquent sur des loyers de fermage très faibles. En effet, ils s’élèvent à 140 euros par hectare, en moyenne, en France, contre 800 euros aux Pays-Bas, 530 euros au Danemark, 500 euros en Suisse, 350 euros en Allemagne, 300 euros en Irlande et en Autriche, 230 euros en Finlande, 220 euros au Royaume-Uni et en Pologne, 160 euros en Suède, 150 euros en Espagne, en Slovénie et en Hongrie.

Il faut dire que les loyers de fermage sont le plus souvent libres en Europe, tandis qu’ils sont réglementés en France. Chaque année, un arrêté préfectoral fixe les minima et maxima dans chaque département. C’est ainsi que les auteurs de l’étude de la FRB estiment que les loyers de fermage français sont, en moyenne, inférieurs de moitié à ce qu’ils seraient s’ils étaient fixés de façon libre.

Quelles sont les conséquences de cette fiscalité élevée ?

Les propriétaires de terres agricoles en France sont donc pris entre le marteau et l’enclume. Le marteau, ce sont les impôts et taxes plus lourds que dans les autres pays d’Europe, à la fois sur les terres et sur les revenus qu’elles dégagent. Et l’enclume, ce sont les loyers de fermage bas et réglementés.

Les conséquences de cette situation sont facilement imaginables.

D’abord, une rentabilité des terres agricoles après impôt qui est nulle ou négative. L’étude indique que leur taux d’imposition dépasse parfois 100 % de leur revenu. Déjà, en 1986, le Conseil des impôts démontrait que la pression fiscale annuelle moyenne sur les terres agricoles était beaucoup plus élevée en France que dans les trois autres pays pris en comparaison (Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis), et qu’elle conduisait après impôts à un rendement négatif des terres agricoles françaises dans tous les cas de figure. Les hausses de taxation multiples intervenues depuis 1986 ont encore accru la pression fiscale et réduit la rentabilité. En 2013, un rapport de l’Inspection générale des Finances montrait que, sur vingt ans, en France, les terres agricoles étaient l’actif au rendement le plus faible ; que leur rendement était le seul qui soit inférieur à l’inflation, et était donc négatif en euros constants ; que c’était le seul actif à être dans ce cas.

La fiscalité française explique aussi un prix faible des terres agricoles par rapport aux autres pays d’Europe.

Aujourd’hui, le prix réel moyen de l’hectare agricole est inférieur de plus d’un tiers à sa valeur de 1978 et ne vaut pas plus qu’en 1965 ! Il vaut, en moyenne, 6000 euros quand il est libre (4500 euros quand il est loué), contre 10 000 euros en Pologne, 12 000 euros en Espagne et en Grèce, 17 000 euros en Slovénie, 18 000 euros au Danemark, 21 000 euros en Allemagne, 23 000 euros en Irlande, 25 000 euros au Royaume-Uni, 30 000 euros en Suisse, 63 000 euros aux Pays-Bas.

Ce différentiel de prix facilite le rachat des terres agricoles françaises par les étrangers. Il pénalise les propriétaires, surtout s’ils sont eux-mêmes agriculteurs, et qu’ils désirent vendre au moment de prendre leur retraite.

Cette mauvaise rentabilité (à l’exploitation comme à la vente) incite à rechercher une meilleure utilisation de la terre. Les propriétaires fonciers peuvent, par exemple, reboiser (les forêts étant moins taxées), implanter des énergies renouvelables (éoliennes, panneaux solaires) qui rapportent plus que les loyers de fermage, ou encore chercher à urbaniser les terrains.

L’étude fait ainsi le lien entre la fiscalité et l’artificialisation des sols qui serait plus rapide en France qu’ailleurs en Europe. Comme le mentionne l’étude, d’un côté l’État divise par deux les revenus du foncier non bâti ; de l’autre, via les rémunérations de complément, il soutient indirectement les revenus versés aux détenteurs de foncier acceptant de l’artificialiser par les exploitants d’énergie solaire au sol et éolienne terrestre.

« Sans intervention de l’État, les revenus du foncier non bâti seraient doubles et l’artificialisation par ces installations aurait moins lieu puisque, en économie de marché pure, une bonne partie d’entre elles ne serait pas rentable. L’intervention de l’État distord donc les revenus issus de ces deux catégories d’activité de telle façon qu’elle accroit la différence entre eux et favorise nettement l’artificialisation ».

À cet égard, la loi visant à empêcher l’artificialisation des sols (ZAN) risque d’aggraver la situation des propriétaires fonciers et des agriculteurs, en plus d’empêcher la construction de logements.

Libérer l’agriculture

Que faire pour enrayer le déclin de l’agriculture française et empêcher la maltraitance des agriculteurs ?

En premier lieu, alléger la fiscalité qui empêche le foncier agricole d’être rentable. À cet égard, il conviendrait de supprimer les SAFER (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) qui, en plus d’être corrompues, faussent encore un peu plus le marché. Parallèlement, il conviendrait de mettre fin au cercle vicieux des subventions agricoles. Ensuite, il faut libérer l’agriculture d’une réglementation tentaculaire, notamment en ce qui concerne les biotechnologies végétales.

Si la France veut retrouver, un jour, le rang qui fut longtemps le sien parmi les pays agricoles, elle n’a pas d’autres choix que de considérer les agriculteurs comme des entrepreneurs et de les laisser entreprendre.

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